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Critiquer n'est pas critiquer

Mercredi 14 septembre 2011 à 22:50

La Piel que Habito****

Réalisé par: Pedro Almodovar
Avec: Antonio Banderas, Elena Ayana, Marisa Paredes, Jan Cornet
Genre: Thriller, film noir

Résumé: Dans la villa du docteur Robert Ledgard (brillant chirurgien esthétique), est maintenue captive une patiente du nom de Vera. Pourquoi est-elle enfermée ? Quels liens unissent ces deux personnes ?


La Piel que Habito est le premier film d'Almodovar qu'il m'est été donné de voir, et je ne connaissais le style et les obsessions que par le bouche à oreille. Je m'attendais à un néo-noir déjanté après la vue de sa bande-annonce. Et bien j'ai été servi, et plus que de raison. Mais plus que déjanté, le film est pervers, voir carrément malsain. Cela tiens probablement du fait que l'une des références principales d'Almodovar est ici Les Yeux sans Visage de Franju, avec qui il partage la question de la peau et de l'identité . Ces deux thèmes sont ici sublimés et sont constamment mis en jeux: la peau érotique de Vera, celle nouvelle suite aux opérations, mais aussi son identité bouleversée suite à celles-ci. Cette tension entre deux thèmes, à la fois antagonistes mais familiers, se retrouve dans la mise en scène même: les décors typiquement espagnols de par leurs couleurs et raffinements font contraste avec l'histoire, sombre au possible, sinon glauque par moment. Contraste encore une fois entre la peau, érotisée par les exercices de yoga, et mise en avant par le body que porte Vera, et sont rapport névrosé à celle-ci, vu qu'elle signifie une perte d'identité. Car Vera possède maintenant le visage de l'ex-femme de Robert, morte brûlée vive dans un accident de voiture. Cette absence de repère dont souffre Vera se traduit dans ses oeuvres d'art, statues enroulées dans des gazes chirurgicales., à l'image du masque qu'elle portait lors de la cicatrisation de son nouveau visage. Mais ce n'est pas le gore que pourrait amener un tel sujet qui intéresse Almodovar, mais bien la portée psychologique qu'une telle histoire peut déclencher, et l'évolution mentale de ses personnages torturés.
En définitive, ce film est très intéressant à regarder, mais peut-en être désagréable de par sa perversion ambiante, et la manipulation qu'il opère sur le spectateur de par un montage audacieux. 

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Dimanche 3 juillet 2011 à 21:59

Balada Triste de la Trompeta *

Réalisé par Alex de la Iglesia
Avec: Carlos Areces, Antonio de la Torre, Carolina Bang
Genre: Comédie Dramatique / Action / Horreur

Résumé: Duel de clowns pour le coeur d'une acrobate sur fond d'histoire politique espagnole.

Après les éloges que j'ai entendues avant d'aller voir ce film, je m'attendais à un nouveau Tarantino, mais baigné dans l'histoire espagnole cette fois-ci. Il n'en est rien. Le début du film n'est pas si mal, même si vu, revu et rerevu (jusqu'au générique façon film d'action sur fond de photos d'époques et de montage lavage de cerveau). Puis vient l'histoire, celle d'un clown triste engagé dans une troupe de cirque, qui tombe amoureux de l'acrobate, femme battue par son mari, clown lui aussi. Histoire classique, même si pour le coup, elle aime ça. La première partie est donc assez efficace, même si on constate vite le cheval de bataille du film: passer constamment de l'humour noir au pathos. De plus, une réalisation trop stylisée empêche de s'intéresser réellement au film (je pense notamment à l'usage abusif de contre-jours violents). Arrive la deuxième partie, et là, c'est le drame. On passe dans le film d'horreur, ou du moins une sorte de film d'action réutilisant les outils du film d'horreur (le gore, les freaks que sont devenus les clowns). Bref, ces ruptures de ton qui semblent être le but du film font que l'on ne sait pas sur quel pied danser (à l'image du jeu d'acteur de Carolina Bang, oscillant constamment entre la femme tiraillée et la salope finie), alors qu'un film totalement dramatique, ou bien totalement trash aurait pu être beaucoup plus intéressant. Inclure du pathos après des scènes de gore qui se veulent jouissives ne le rend pas plus fort, il n'est que ridicule. Et je ne parlerais pas de cette scène de retour à l'état animal. Enfin, la fin du film vire quant à elle dans les grands poncifs du genre (j'ai pensé au final de Goldeneye), avec l'affrontement final sur un monument (mal modélisé soit dit en passant), qui au lieu d'être le point d'orgue de l'histoire n'est qu'une ultime resucée d'un style d'un autre, et ce avec des effets spéciaux ratés. En définitive, j'ai été très déçu par ce film, qui à force de vouloir manger à tous les rateliers n'en est ni jouissif, ni tragique, mais en demi teinte constante. Je comprends d'autant moins Tarantino qui a soutenu ce film alors qu'il est clairement une pâle contrefaçon des films du duo Rodriguez / Tarantino, mais sans le talent de ces deux réalisateurs.

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Jeudi 21 avril 2011 à 15:15

 Boxing Gym ****

Réalisateur: Frederick Wiseman
Genre: Documentaire 

Résumé: Le quotidien d'une salle de boxe de quartier aux Etats-Unis.


Enfin, et après plusieurs semaines de différence avec sa sortie parisienne, le dernier documentaire de l'honorable Wiseman sort en province. Toujours fidèle à sa théorie du documentaire non commenté et sans interviews, il s'intéresse après l'opéra de Paris (La Danse), à une salle de boxe de quartier. Le fait est intéressant, d'autant plus que le film sort la même année que Fighter, avec une approche documentaire dans le cas de la fiction chroniquée il y a quelques temps. Un dossier arrive donc a priori, durant les vacances, sur le rapport au réel des deux films. Dans le cas de Boxing Gym, cette approche est primordiale, le film étant un documentaire, et surtout du fait que comme à son habitude, Wiseman n'intervient aucunement dans le film, que ce soit par des questions posées ou par une voix-off. Et là où on pouvait s'attendre à un film sous testostérone ultra-viril voire violent, on est accueilli dans la salle de gym par des petits enfants s'entraînant. Le film ne nous montre d'ailleurs qu'un seul match, le reste du temps étant consacré aux entraînements, beaucoup plus proches de chorégraphies tant le rythme est marqué que d'un art martial. Le rythme est d'ailleurs marqué à l'intérieur même du film comme du gymnase par le chronomètre de rounds, qui divise la journée de la salle en périodes égales. Contrairement à ce qu'on pouvait attendre donc, à aucun moment on ne voit de réelle douleur, ou de sang.

Et c'est bien, je pense, la particularité de Boxing Gym, c'est de n'être à aucun moment violent, mais tout le temps profondément humaniste. Cette absence démarque d'autant avec les conversations des sportifs, où l'on apprend qu'un fou a tué 20 personnes dans un bureau, ou qu'un vendeur s'est fait dévaliser récemment. Et pourtant, le gymnase semble échapper à la violence quotidienne du dehors, comme un havre de paix. Et c'est là que l'humanisme ambiant du film intervient. Ce côté humaniste est amené par les multiples conversations du gymnase, qui n'ont souvent rien à voir avec la boxe, comme ce latino qui parle d'un style de danse samba à un autre boxeur curieux. Cette absence de violence est présente dès le début du film, lors de l'inscription d'un enfant, qui ne peut malheureusement pas recevoir de coups à la tête à cause de son épilepsie. L'entraîneur s'adresse alors à lui: "Tu n'es pas là pour frapper des gens, n'est-ce pas ?". Et les images souvent touchantes suivent, comme ce boxeur qui vient s'occuper de son bébé après avoir sanglé ses mains, où encore cette jeune maman qui va essayer de faire s'endormir son enfant entre deux exercices. Car c'est bien ce type de sportifs que nous sommes amenés à voir: des travailleurs, souvent ouvriers, qui viennent se détendre après une journée de travail, comme d'autres feraient du tennis ou du volley. Le combat se transforme alors en joute amicale, et les coups en chorégraphie improvisée, obéissant à un rythme qui leur sont propres. 

En définitive, j'ai été convaincu par le film de Wiseman, qui balaie littéralement les préjugés qu'on pouvait avoir sur le milieu de la boxe amateur, en signant un film profondément humaniste, aux antipodes d'un Titticut Follies, son premier film.  NB: le film est uniquement projeté en vidéo.


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Jeudi 14 avril 2011 à 14:32

Pina ***** Coup de coeur

Réalisateur: Wim Wenders
Avec: Pina Bausch et ses différentes troupes
Genre: Documentaire, film de danse 

Impressionnante saison cinématographique que celle-ci: deux coups de coeur en mars, déjà un en avril, que demande le peuple ? Concernant plus directement Pina, il faut dire que j'attendais le film avec impatience pour de nombreuses raisons: tout d'abord parce que suite aux Rêves dansés, somptueux documentaire sur Pina Bausch, j'attendais une nouvelle incursion dans l'univers si particulier de la chorégraphe, ensuite parce que cette nouvelle incursion est réalisée en 3D, et que, jusqu'alors réticent aux enfantillages de bonhommes bleus en 3D et autres robots géants, un documentaire sur la danse en relief m'intéressait, documentaire de surcroît réalisé par Wim Wenders, auteur génial des Ailes du désir et de Paris-Texas. Enfin, il faut bien reconnaître que l'affiche du film dégage quelque chose d'unique et attire vraiment. C'en était trop pour mon système nerveux, il me fallait aller en salle et payer l'impôt sur la 3D et voir ce qu'un vrai réalisateur pouvait nous donner avec de la 3D (en attendant un autre documentaire allemand, de Werner Herzog cette fois). 

J'assiste donc à l'avant première du film dans un cinéma gigantesque que j'évite comme la peste d'ordinaire, et assiste à un discours puis à une performance assez intéressante, inspirée bien sûr de la chorégraphe. Mais le plat de résistance arrive: le film. La première chose qui frappe est bien évidemment l'effet 3D. Légèrement troublant dans les premières minutes, on fini par s'y habituer, d'autant plus qu'il est très bien utilisé par Wenders, qui ne va jamais vers l'effet facile. Le film en HD et 3D ne lui permet par contre aucun mouvement de caméra très rapide, ce qui correspond de toute façon très bien à une façon de filmer la danse. Parlons en un peu, elle est toujours aussi magnifique. Le film se compose de quatre des chorégraphies les plus connues de Pina Bausch (Le Sacre du Printemps, Café Müller, Kontakthof et Vollmond), entrecoupées par des interviews et des reprises de chorégraphies, mais hors scène, dans Wuppertal même. Ces scènes ont un potentiel onirique assez impressionnant, mention spéciale à la chorégraphie de l'hippopotame dans le cours d'eau, d'une beauté graphique inoubliable, et une séquence finale qui n'est pas sans rappeler la danse macabre clôturant Le Septième Sceau d'Ingmar Bergman, dans un autre registre toutefois.. Le film bénéficie donc en plus d'un coté poétique, parfaitement en adéquation avec le sujet traité.

En conclusion, je dirais qu'il s'agit d'un bien bel hommage fait à Pina Bausch, qui, comme pour beaucoup, m'a fait prendre conscience de la force de la danse à travers son unique Tanztheater. Je ne trouve rien de plus à dire sur le sujet qu'un "Allez le voir", car ce genre de films se vit plus qu'il ne se commente. Les vacances approchant, il ne serait pas impossible de voir apparaître un dossier comparatif entre Pina et Les Rêves dansés, de voir le traitement de chaque réalisateur (dossier surement suivi ou précédé par un dossier Fighter / Boxing Gym, étant donné que je vais enfin pouvoir voir demain le dernier Wiseman). Un film essentiel, et je conclurais en citant Pina: "Tantz, tanzt sonst sind wir verloren !"

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Jeudi 24 mars 2011 à 19:15

Le Discours d'un Roi ***** Coup de Coeur

Réalisé par: Tom Hooper
Avec: Colin Firth, Helena Bonham Carter,
Geoffrey Rush, Derek Jacoby
Genre: Historique, Drame

Résumé: L'histoire vraie de Georges V, appelé à être le roi d'Angleterre lors du début de la seconde guerre mondiale, mais affublé d'un terrible bégaiement qui l'handicape lors des discours.

Le film bénéficie de multiples récompenses aux oscars, amplement méritées, et qui lui ont fait une publicité qui ne pouvait que le servir. Avec un tel scénario, on pouvait s'attendre à une comédie bien anglaise, mais il n'en est rien. Même si il n'est pas dénué d'humour on se prend plus souvent de pitié pour ce roi bègue que d'envie de rire. Et pour en arriver à de tels personnages, il faut bien évidemment une excellente distribution. Et là, et c'est bien la cerise sur le gâteau, les acteurs sont tous exceptionnels, d'un Colin Firth tour à tour dépassé par son bégaiement puis hors de lui, il domine largement le film, à l'inverse de son personnage qui ne semble qu'être porté par les événements, au rythme de ces terribles allocutions radios qui révèlent au large public ses problèmes de locution. Biopic parmis d'autres d'un genre aujourd'hui à la mode, il n'en est pas moins complètement différent du trip égocentrique tournant uniquement autour d'un travestissement d'acteur, comme on a bien pu le voir de nombreuses fois en France ces dernières années. Mis à part Colin Firth, Helena Bonham Carter et
Geoffrey Rush (que je ne connaissais pas) sont assez géniaux, notamment les scènes dans le cabinet de Geoffrey, où un rapport de domination, ou en tout cas de règles essayent de s'instaurer entre les deux fortes têtes...

La réalisation de son coté est très classique, en parfaite adéquation avec le ton du film. A noter de nombreux travellings très proches de Colin Firth, nous mettant nous même face la foule. Un travail extrêmement important a bien évidemment été porté sur le son. La première scène est dans cet ordre mémorable, le bégaiement du futur Georges V, une fois passé dans le micro, se transforme en interminable écho répercuté dans le public. Le jeu d'acteur de Colin Firth prend alors toute son importance, donnant corps et surtout voix au pauvre Roi malgré lui. 

En conclusion, voici la vision que j'ai du biopic, bien construit et filmé autour d'une vraie histoire et pas juste un acteur maquillé pour l'occasion. Un film qui entrera dans les annales, notamment grâce aux prix déjà récoltés. Indéniablement le film du mois, en tout cas pour les spectateurs n'osant pas voir un autre style de cinéma (explication dans deux articles)...


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