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Critiquer n'est pas critiquer

Samedi 21 mai 2011 à 10:56

Minuit à Paris ***

Réalisateur: Woody Allen
Avec: Owen Wilson, Rachel McAdams, Michael Sheen, Marion Cotillard
Genre: Comédie Fantastique

Je dois admettre que je n'avais pas vu de Woody Allen avant de voir Minuit à Paris. J'y suis donc allé sans attente ou apriori, uniquement attiré par un scénario nostalgique qui m'intéressait, et avec le souvenir de la performance d'Owen Wilson dans les films de Wes Anderson. Si vous n'avez pas vu ce film, ou comptez aller le voir, je vous conseille de ne pas continuer à lire cette critique, étant donné que je vais spoiler quelques éléments de l'intrigue qu'Allen a voulu maintenir secrets. 

Résumé: Gil, un écrivain débutant, est en voyage à Paris avec sa femme, qu'il a l'intention d'épouser à son retour aux Etats-Unis. Cependant, il préférerait rester à Paris, attiré par le charme de la ville. Il est par ailleurs fasciné par les années 20, persuadé qu'elles étaient les plus belles années que connut Paris. Il lui est alors donné de vivre, la nuit, le Paris du début du siècle.

Le film s'intéresse donc à la nostalgie, et surtout à la fameuse phrase "C'était mieux avant", qui résonne tout le long du métrage. Et Woody Allen réussi son coup sur ce point, le twist du début de film lui permettant de mettre en scène l'élite artistique de Paris en ces temps où se croisent Hemingway, les Fitzgeralds, Dali et autres Bunuels. Le problème est que la plupart de ces apparitions relèvent plus à mon goût du fan-service culturel que de l'intrigue travaillée et réfléchie. Et passé la découverte du Paris des années 20 arrive le sujet du film: toutes les époques vivent le regard vers un passé qu'elles pensaient meilleur. Et à partir de là, le film coule dans un flot de clichés, sur fond de naïveté, jusqu'à la fin, assez hilarante en cliché.

Au final il reste donc un bon film, très jouissif à regarder, drôle et bénéficiant de décors et costumes remarquables, servis par des acteurs au diapason, mais tout cela reste désespérément vide, voire creux. Un film sympathique, mais sans plus.


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Dimanche 15 mai 2011 à 10:58

 Road to Nowhere *****

Réalisateur: Monte Hellman
Avec: Shannyn Sossamon, Rygh Runyan, Dominique Swain, Cliff de Young
Genre: Film Noir, Méta-film

Résumé: Un réalisateur revient à la scène et filmant l'histoire d'un politicien partit avec sa maîtresse et quelques milliers de dollars, et à priori morts peu après. Il tombe alors amoureux de l'actrice principale, et se retrouve impliqué à son insu dans une intrigue politique qui le dépasse. 

Dire que le dernier film de Monte Hellman est attendu serait un euphémisme, ses derniers grands films datant des années 70 (Two-Lane Blacktop, Cockfighter). Mais on ne s'attendait probablement pas (en tout cas pour ma part), à nous livrer un tel film. Devant quoi nous trouvons nous ? Méta-film sur le retour d'un réalisateur, on ne peut que penser à son vrai créateur, Monte Hellman. Ce n'est pas pour rien si le personnage principal devait à l'origine porter son nom. Le film entretient de plus la confusion, en ne montrant pas au début le vrai générique, mais bien celui du film dans le film, avec le nom des personnages et non celui des acteurs. Pour faire simple, je placerais ce film dans le genre des films autobiographiques tels que Le Miroir de Tarkovski, ou La Science des Rêves de Gondry. Il est intéressant au vu de ces trois films, que plus le film se veut imprégné du réel, plus son format devient fantaisiste, la narration est bouleversée...  A la fin du film, on remarque la mention "For Laurie". Il s'agit de Laurie Bird, l'actrice principale de Two-Lane Blacktop, dont Monte était tombée amoureux. Elle s'est suicidée à 25 ans. La dimension autobiographique est donc bien plus que présente dans Road to Nowhere, qui se veut en plus un hommage posthume à la jeune actrice.

Sur le plan formel, la narration est explosée, mêlant scènes "réelles" et scènes de films dans le film, tout ça sans respect pour la chronologie des évènements, un peu à l'image des films de Lynch sur Hollywood (Mulholland Drive, Inland Empire, eux aussi méta-films par la même occasion). Tout ce qu'il nous reste à constater est l'intérêt croissant du réalisateur pour sa protégée, au détriment de la star du film, qui s'en trouve blessée dans son amour propre, et des tensions que cela crée. Fascinant. 

Si les films témoignant d'une vraie réflexion sur le cinéma vous intéresse, n'hésiter pas à voir ce petit chef d'oeuvre, marquant le retour d'un réalisateur culte dans un genre beaucoup plus personnel que le tonitruant road-movie de Two-Lane Blacktop (ce qui n'enlève en rien sa qualité). Une bonne surprise, qui ne laisse pas de marbre et hante son spectateur longtemps après son visionnage, surtout si l'on prend connaissance de l'histoire de son créateur. 

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Jeudi 21 avril 2011 à 15:15

 Boxing Gym ****

Réalisateur: Frederick Wiseman
Genre: Documentaire 

Résumé: Le quotidien d'une salle de boxe de quartier aux Etats-Unis.


Enfin, et après plusieurs semaines de différence avec sa sortie parisienne, le dernier documentaire de l'honorable Wiseman sort en province. Toujours fidèle à sa théorie du documentaire non commenté et sans interviews, il s'intéresse après l'opéra de Paris (La Danse), à une salle de boxe de quartier. Le fait est intéressant, d'autant plus que le film sort la même année que Fighter, avec une approche documentaire dans le cas de la fiction chroniquée il y a quelques temps. Un dossier arrive donc a priori, durant les vacances, sur le rapport au réel des deux films. Dans le cas de Boxing Gym, cette approche est primordiale, le film étant un documentaire, et surtout du fait que comme à son habitude, Wiseman n'intervient aucunement dans le film, que ce soit par des questions posées ou par une voix-off. Et là où on pouvait s'attendre à un film sous testostérone ultra-viril voire violent, on est accueilli dans la salle de gym par des petits enfants s'entraînant. Le film ne nous montre d'ailleurs qu'un seul match, le reste du temps étant consacré aux entraînements, beaucoup plus proches de chorégraphies tant le rythme est marqué que d'un art martial. Le rythme est d'ailleurs marqué à l'intérieur même du film comme du gymnase par le chronomètre de rounds, qui divise la journée de la salle en périodes égales. Contrairement à ce qu'on pouvait attendre donc, à aucun moment on ne voit de réelle douleur, ou de sang.

Et c'est bien, je pense, la particularité de Boxing Gym, c'est de n'être à aucun moment violent, mais tout le temps profondément humaniste. Cette absence démarque d'autant avec les conversations des sportifs, où l'on apprend qu'un fou a tué 20 personnes dans un bureau, ou qu'un vendeur s'est fait dévaliser récemment. Et pourtant, le gymnase semble échapper à la violence quotidienne du dehors, comme un havre de paix. Et c'est là que l'humanisme ambiant du film intervient. Ce côté humaniste est amené par les multiples conversations du gymnase, qui n'ont souvent rien à voir avec la boxe, comme ce latino qui parle d'un style de danse samba à un autre boxeur curieux. Cette absence de violence est présente dès le début du film, lors de l'inscription d'un enfant, qui ne peut malheureusement pas recevoir de coups à la tête à cause de son épilepsie. L'entraîneur s'adresse alors à lui: "Tu n'es pas là pour frapper des gens, n'est-ce pas ?". Et les images souvent touchantes suivent, comme ce boxeur qui vient s'occuper de son bébé après avoir sanglé ses mains, où encore cette jeune maman qui va essayer de faire s'endormir son enfant entre deux exercices. Car c'est bien ce type de sportifs que nous sommes amenés à voir: des travailleurs, souvent ouvriers, qui viennent se détendre après une journée de travail, comme d'autres feraient du tennis ou du volley. Le combat se transforme alors en joute amicale, et les coups en chorégraphie improvisée, obéissant à un rythme qui leur sont propres. 

En définitive, j'ai été convaincu par le film de Wiseman, qui balaie littéralement les préjugés qu'on pouvait avoir sur le milieu de la boxe amateur, en signant un film profondément humaniste, aux antipodes d'un Titticut Follies, son premier film.  NB: le film est uniquement projeté en vidéo.


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Jeudi 14 avril 2011 à 14:32

Pina ***** Coup de coeur

Réalisateur: Wim Wenders
Avec: Pina Bausch et ses différentes troupes
Genre: Documentaire, film de danse 

Impressionnante saison cinématographique que celle-ci: deux coups de coeur en mars, déjà un en avril, que demande le peuple ? Concernant plus directement Pina, il faut dire que j'attendais le film avec impatience pour de nombreuses raisons: tout d'abord parce que suite aux Rêves dansés, somptueux documentaire sur Pina Bausch, j'attendais une nouvelle incursion dans l'univers si particulier de la chorégraphe, ensuite parce que cette nouvelle incursion est réalisée en 3D, et que, jusqu'alors réticent aux enfantillages de bonhommes bleus en 3D et autres robots géants, un documentaire sur la danse en relief m'intéressait, documentaire de surcroît réalisé par Wim Wenders, auteur génial des Ailes du désir et de Paris-Texas. Enfin, il faut bien reconnaître que l'affiche du film dégage quelque chose d'unique et attire vraiment. C'en était trop pour mon système nerveux, il me fallait aller en salle et payer l'impôt sur la 3D et voir ce qu'un vrai réalisateur pouvait nous donner avec de la 3D (en attendant un autre documentaire allemand, de Werner Herzog cette fois). 

J'assiste donc à l'avant première du film dans un cinéma gigantesque que j'évite comme la peste d'ordinaire, et assiste à un discours puis à une performance assez intéressante, inspirée bien sûr de la chorégraphe. Mais le plat de résistance arrive: le film. La première chose qui frappe est bien évidemment l'effet 3D. Légèrement troublant dans les premières minutes, on fini par s'y habituer, d'autant plus qu'il est très bien utilisé par Wenders, qui ne va jamais vers l'effet facile. Le film en HD et 3D ne lui permet par contre aucun mouvement de caméra très rapide, ce qui correspond de toute façon très bien à une façon de filmer la danse. Parlons en un peu, elle est toujours aussi magnifique. Le film se compose de quatre des chorégraphies les plus connues de Pina Bausch (Le Sacre du Printemps, Café Müller, Kontakthof et Vollmond), entrecoupées par des interviews et des reprises de chorégraphies, mais hors scène, dans Wuppertal même. Ces scènes ont un potentiel onirique assez impressionnant, mention spéciale à la chorégraphie de l'hippopotame dans le cours d'eau, d'une beauté graphique inoubliable, et une séquence finale qui n'est pas sans rappeler la danse macabre clôturant Le Septième Sceau d'Ingmar Bergman, dans un autre registre toutefois.. Le film bénéficie donc en plus d'un coté poétique, parfaitement en adéquation avec le sujet traité.

En conclusion, je dirais qu'il s'agit d'un bien bel hommage fait à Pina Bausch, qui, comme pour beaucoup, m'a fait prendre conscience de la force de la danse à travers son unique Tanztheater. Je ne trouve rien de plus à dire sur le sujet qu'un "Allez le voir", car ce genre de films se vit plus qu'il ne se commente. Les vacances approchant, il ne serait pas impossible de voir apparaître un dossier comparatif entre Pina et Les Rêves dansés, de voir le traitement de chaque réalisateur (dossier surement suivi ou précédé par un dossier Fighter / Boxing Gym, étant donné que je vais enfin pouvoir voir demain le dernier Wiseman). Un film essentiel, et je conclurais en citant Pina: "Tantz, tanzt sonst sind wir verloren !"

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Jeudi 7 avril 2011 à 15:17

Dharma Guns ***** Coup de coeur

Réalisé par: Jacques-François Ossang
Avec: Guy McKnight, Elvire, Lionel Tua, Diogo Doria
Genre: Expérimental

Résumé: Un bateau piloté par une femme aux lunettes de soleil, un homme sur un ski nautique derrière, la musique jubilatoire de LARD, un long plan séquence, un coup de feu et l'homme tombe à l'eau...

Le reste du film est a peu près impossible à résumer, rubik's cube de coma, de doubles génétiques, de zombies ... Et non vous ne rêvez pas, il s'agit bien d'un deuxième coup de coeur, le même mois que Le Discours d'un Roi. Mais celui-ci s'adresse surtout aux spectateurs les plus ouverts, et surtout les plus préparés à visionner ce genre de cinéma, très abscons. La narration du film est en effet très particulière, s'approchant du cadavre exquis dans sa construction, alignant des scènes souvent non-connectées entre elles, rythmées par des aphorismes sur fond noir. Non, ce film n'est clairement pas fait pour le même public qu'un Sucker Punch ou un Hell Driver. Et excusez moi le terme, putain que ça fait du bien de voir de l'expérimental au cinéma en format long-métrage. 
Il est à mon avis possible de rapprocher le film du théâtre de Valère Novarina, théâtre du non-sens où le mot est utilisé pour faire tourner l'imaginaire du spectateur. Et c'est cet effet qu'on retrouve dans Dharma Guns: des situations étranges, des dialogues souvent incompréhensibles,  mais capables de déclencher des souvenirs, de réellement perdre le spectateur dans sa propre psyché en plus de celle du film.

Mais le film ne tient pas seulement en son concept mais aussi en sa photographie. Elle est réellement sublime, souvent proche de La Jetée de Chris Marker, film avec lequel le film partage l'ambiance générale et quelques idées. Les images en noir et blanc, le choix des cadrages, comme par exemple celui de l'escalier, qui une fois mis en mouvement se transforme en spirale hypnotique que n'aurait pas renié Saul Bass, l'esthétique du film est très impressionnante et rare au cinéma. Enfin, les acteurs semblent avoir été choisis tant pour leur physique que pour leur voix, à l'image de l'accent russe du héros, hypnotique lui aussi. En définitive, un excellent film expérimental, mais à réserver au spectateur averti ou curieux de voir un cinéma alternatif, beaucoup moins accessible mais ô combien plus intéressant.

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