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Critiquer n'est pas critiquer

Dimanche 31 juillet 2011 à 16:56

 Melancholia ***** Coup de Coeur

Réalisé par: Lars Von Trier
Avec: Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, John Hurt
Genre: Drame Psychologique

Résumé: C'est le jour du mariage de Justine, mariage organisé par sa soeur au sein de son château. Mais Justine semble cacher quelque chose: elle est en proie à la mélancolie, et depuis longtemps si l'on en croît sa soeur Claire. En même temps, une planète approche de la Terre, et menace de la détruire: Melancholia.

Après une trilogie non achevée (Dogville et Manderlay) s'intéressant à une mise en scène théâtralisée à l'extrême et épurée, Lars Von Trier semble avoir adopté un nouveau style avec Antichrist, film d'horreur psychologique ultra violent, mais aussi sublime dans sa mise en scène, notamment par l'utilisation en ouverture par des ralentis extrêmes en noir et blanc. Si Melancholia ne ressemble pas du tout à ce qu'à pu produire Lars Von Trier ces dernières années, son introduction est la même que celle d'Antichrist, et est la partie la plus extraordinaire du film. Les images laissent présager la suite du film, mais dans une version plus grandiose et spectaculaire. Ces vues d'esprits marquent longtemps encore après la projection, et sont parmi les plus belles images qu'il m'ait été donné de voir au cinéma (avec les films de Tarkovsky, auteur auquel Lars Von Trier à dédié son film Antichrist).

Le film est ensuite séparé en deux parties, l'une consacrée à la mariée mélancolique Justine, et l'autre à sa soeur Claire, qui s'occupe d'elle pendant la phase la plus dure de sa maladie. La première filmée d'une façon très proche du Dogme95, caméra épaule dans un style documentaire, la seconde plus posée et plus distante des personnages. Ce drame familial est suivi de près par un autre d'une toute autre nature: une planète menaçant de détruire toute vie sur Terre. Et c'est là tout le talent de ce réalisateur: partir d'une histoire vue et revue par le cinéma catastrophe, à savoir une apocalypse venue de l'espace auquel la Terre est vouée, et en faire un film psychologique et anti-spectaculaire. C'est bien le drame intérieur à cette histoire, et surtout la mélancolie qui intéresse Lars Von Trier. L'absence d'action se traduit visuellement par un film profondément romantique, mais aussi désespéré. Point de rédemption ou de solution ici: si la planète vient à toucher la Terre, il n'y aura aucun Bruce Willis ou autre américain quelconque pour la sauver. Et à partir de ce point, que faire, que penser. Tout les cas de figures se présentent: du mari de Claire sur de ses théories prédisant le passage proche mais pas de contact, à Claire qui sombre de plus en plus dans l'hystérie, tandis que sa soeur, qui n'a rien à perdre, reste flegmatique vis à vis de la fin du monde.

Nous vivons une année particulièrement incroyable en cinéma, en témoignent les récents Black Swan, Tree of Life et ce Melancholia. La cuvée 2011 du festival de Cannes est à savourer, il risque de ne plus y en avoir de cette qualité avant de longues années (j'espère me tromper). Il serait de plus dommage de passer à côté de Melancholia à cause du scandale qu'a provoqué son réalisateur sur la croisette. Il s'agit de son film le plus mur et le plus abouti, autant visuellement que du point de vue du scénario.  L'enfant terrible du cinéma danois serait-il calmé définitivement ? Rien n'est moins sur, comme tend à le montrer son futur projet de film pornographique. En définitive, un film essentiel, en opposition complète avec le film catastrophe américan, qui nous donne à voir le sublime comme rarement au cinéma.

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Mercredi 20 juillet 2011 à 19:41

J'ai rencontré le diable **
(Akma-reul boat-da)

Réalisé par: Kim Jee-woon
Avec: Lee Bung-Hun, Choi Min-sik, Oh San-ha, Chun Kook-haun
Genre: Thriller

Résumé: Suite à l'assassinat violent de sa femme par un tueur en série, un agent secret décide de le traquer, et de lui faire payer au centuple ce que sa femme à vécue.

Le cinéma asiatique coréen resplendit à l'étranger grâce à son duo de réalisateurs Park Chan-woo et Kim Jee-Won. Le premier aborde de même des sujets assez proche du film chroniqué ici avec trilogie de la vengeance. Il partage d'ailleurs le même acteur (Choi Min-sik), même si celui passe d'un réalisateur à l'autre de la place de traqueur à celui de proie. Je ne connais sinon qu'un seul film de Kim-Jee Won, A Bittersweet Life, que j'avais à l'époque trouvé grandiose. J'ai par contre été très déçu par J'ai rencontré le diable. Je m'attendais justement à un film retour face à la vague américaine de torture-porn, médiocre et inutile à mon goût. Le réalisateur du Bon, la brute et le cinglé aurait put fournir au genre un film barré et fou, il n'en est rien. La situation est vue et revue dans le genre, Mad-Max et Death Sentence en tête, en beaucoup plus réussis: la vengeance mène à devenir un monstre soit même. Alors certes oui les acteurs sont excellents, il y a quelques scènes très impressionnantes (la tête coupée retrouvée, flottant dans l'eau, le psychopathe près à dépecer une femme sur fond de musique classique), mais cette impression de déjà-vu reste présente, et le film n'est à aucun moment jouissif comme on pouvait l'attendre, et n'en arrive donc qu'à égaler les films qu'il cherchait à priori à contrer.
Dommage...


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Vendredi 15 juillet 2011 à 9:40

 Chico et Rita ****

Réalisé par: Fernando Trueba et Javier Mariscal
Avec les voix de: Bebo Valdés, Idania Valdés ...

Genre: Animation, Drame sous fond de jazz

Résumé: La vie de Chico, excellent pianiste de jazz à Cuba, bascule le jour où il rencontre Rita, une chanteuse de talent. Leur relation est très instable, et s'étale sur des décennies à travers Cuba et les Etats-Unis.

Très bonne surprise que ce Chico et Rita, qui est extrêmement agréable à regarder, du fait de son rythme tout droit sorti d'un standard de latin-jazz endiablé. Car le jazz semble bien être ici la troisième personne du couple, un amant qu'ils partageraient à longueur de temps. Ce terme n'est pas si loin de la réalité, car le film est d'une sensualité rarement vue dans l'animation, à l'image de cette scène de nu au début du film, lendemain d'une nuit d'amour sur un piano à composer la chanson qui deviendra mondialement connue. Mais ce début torride n'est que le commencement d'une relation tumultueuse, qui mènera nos protagonistes à travers le Cuba et les Etats-Unis des années 50. Et l'on dirait que c'est bien cela que recherchaient les réalisateurs.

En effet, le film fait la part belle aux caméos, avec notamment Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Chano Pozo et Thelenious Monk à l'écran pour les plus connus. Et c'est un vrai plaisir que de reconnaître le style de ces génies du jazz au travers d'un film d'animation, cependant extrêmement proche du documentaire, tant le sujet est ici travaillé et l'histoire historiquement valable. Le reste du film, comme la relation du couple éponyme, varie entre la sensualité des tropiques cubaines, la froideur d'un New-York enneigé, où le be-bop apparaît comme révolution musicale, et les tragédies, comme souvent pour les jazz-men. Le dessin s'adapte parfaitement au récit, chaud et joyeux pour les scènes cubaines, plus froid et mélancolique pour New-York. Le seul reproche que j'aurais à faire à l'animation est peut-être un manque d'expressivité du visage des personnages, en particulier dans les scènes tragiques.

En définitive, un peu à l'image de L'illusioniste de Sylvain Chomet, un film qui navigue entre fascination et nostalgie, le tout bercé par le jazz, tellement présent qu'il en devient un sujet du film. Une bien belle histoire d'amour, et une bien belle Histoire, avec un grand H. Pour tous les amateurs d'animation, et de jazz, et les autres aussi qu'en-à-faire. 

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Mardi 12 juillet 2011 à 9:32

 Une séparation *****
(Jodaeiye Nader az Simin)

Réalisé par : Ashar Farhadi
Avec: Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini, Sareh Bayat, Sarina Farhadi
Genre: Drame

Résumé: Nader et sa femme Simin décident de divorcer, car Simin veut quitter l'Iran avec sa fille. Or, le père de Nader est atteint d'alzheimer, et demande des soins constants. Maintenant que Simin a quitté le logement familial, Nader engage une bonne pour s'occuper de son père. Tout tourne mal. 

Le cinéma iranien est assez étrange: les meilleurs films et réalisateurs y apparaissent (comme Kiarostami par exemple), le tout dans un climat de tension hallucinant, le cinéma étant bridé de manière extrême. Cette tension propre au pays et à ses dogmes ressort en tout instant dans Une Séparation. Si le spectateur s'attend à voir un simple drame, il n'en est rien, le film prenant littéralement aux tripes, dans un rythme ultra-rapide plus propre au thriller. Les actions se succèdent, comme une locomotive que rien ne peut arrêter, si bien que le film en devient suffocant, et âpre à regarder. Ce climat est renforcé par l'absence totale de musique.

Le film partage avec le thriller une intrigue juridico-policière, et ce dès le premier plan en mettant le spectateur à la place du juge. C'est bien à nous qu'il incombe de déterminer qui dit la vérité, qui ment. Cette quête tourne entièrement autour d'un plan absent au centre du film, autour duquel toutes les scènes orbitent, son absence empêchant la compréhension des faits. Il ne nous reste plus qu'à observer les différents personnages, ayant tous des parts d'ombres et de lumières, ne cherchant finalement qu'à se sortir d'une affaire sordide. Cela ne serait possible sans les acteurs, absolument extraordinaires, méritants amplement l'ours de Berlin collectif attribué, et autant l'ours d'or. 

Le film est de même reflet de son pays, et l'on voit bien vite que les différentes motivations des personnages sont régies par les conventions sociales et surtout religieuses, comme cette scène où Razieh (la femme de ménage employée et centre de l'affaire policière), laisse le père de Nader trempé d'urine, et finit par appeler un Imam pour savoir s'il est péché de le laver, où si elle peut lui venir en aide. Ce rapport à la religion la bloque dans beaucoup de scènes du film, et crée des situations intenables (d'autant plus qu'elle travaille, sans l'accord de son mari, dans la maison d'un célibataire). 

En conclusion, ce film est une petite perle du cinéma iranien et réussit à travers une histoire morbide mais banale, à fasciner le spectateur tout en le suffocant, suffocation que ressentent probablement les réalisateurs iraniens, dont l'arrestation de Panahi représente bien l'ambiance actuelle. 

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Jeudi 7 juillet 2011 à 9:42

Pater ****

Réalisé par : Alain Cavalier
Avec: Alain Cavalier, Vincent Lindon
Genre: Méta-film politique

Résumé: Tournage d'un film politique, entre documentaire, making-of et film avec Vincent Lindon et Alain Cavalier.

Vous connaissez à présent mes goûts pour le méta-cinéma, les films réflexifs sur le cinéma. Pater fait définitivement partie de ce registre. Alain Cavalier invite donc Vincent Lindon à participer activement (y compris derrière la caméra), au tournage d'un film où ils seraient présidents et ministres. On ne sait donc jamais réellement si ce que l'on voit est film, réalité, improvisation ou pas. Le dispositif est des plus simples, avec une caméra en plan fixe, et des plans de coupe du chat de Cavalier, avec la voix du réalisateur, grave et douce. La première chose qui m'a frappé est la légèreté du film. Pourtant, la politique est tout sauf un sujet léger, d'autant plus actuellement. Et pourtant, le film est drôle, et même si il aborde des problèmes bien réels, il reste du côté du jeu constant. C'est bien ce qui ma plu chez ces deux personnalités du cinéma français, amenées à jouer le jeu, réminiscence du "on fait comme-ci" enfantin. La place laissée à l'improvisation, même si elle est indéterminable réellement, est clairement visible, notamment lors d'une rencontre en forêt "entre ministres", où Cavalier ouvre la scène en disant: "A partir de maintenant, c'est la fiction. Dites ce que vous voulez, ce qui vous passe par la tête". 

On ne sait jamais comment prendre le film, et peu peuvent se dire à la fois film et making-of comme celui-ci. La frontière entre la fiction et le réel (mais l'est-il bien ?) est de plus en plus mince, si bien qu'on ne sait rapidement plus du tout dans quelle partie nous sommes. Il ne reste plus qu'à se laisser porter par le jeu de ces deux acolytes. Mais ce jeu en est-il bien un ? Le statut du réalisateur sur le tournage est-il si éloigné de celui du président ? Et qu'en est-il de cette scène où Vincent Lindon dit qu'il pourrait être premier ministre ? A côté de scènes légères comme l'ouverture du film, ou la découverte de la garde robe de Vincent Lindon, ce genre de questions paraissent bien étranges, mais sont pourtant présentes. 

Pater est donc une réussite, mais il faut garder en tête en allant le voir que ce film est incasable, un vrai OVNI dans le cinéma français, comme pouvait l'être Road To Nowhere, mais en intégrant encore plus la réalité, jusqu'à imbriquer le film et sa création dans un seul nouveau format, jusqu'à présent rarement vu.


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